Assise dans son canapé, Lucrèce tentait de se concentrer sur la série débile qui était diffusée à la télévision en ce début d'après-midi. C'était évidemment sans compter sur ses états d'âme et la venue imminente de son frère. Elle regarda l'heure une nouvelle fois, soupira, puis tapota l'écran de son téléphone. Pas de message. Marc-Antoine n'était pas exactement réputé pour sa ponctualité, ce qui avait toujours horriblement agacé Lucrèce. Mais comme il était son jumeau, elle pouvait tout lui pardonner. Ils avaient miraculeusement réussi à se ménager un petit moment en tête à tête et Lucrèce lui avait proposé de venir dans son nouvel appartement. Après ses fiançailles, Marc-Antoine s'était mis en ménage avec sa fiancée ; Lucrèce, qui vivait alors avec lui, finit par rendre les clés de leur appartement pour s'en dénicher un autre. Elle avait finalement convenu de se mettre en colocation avec sa meilleure amie, Kiara, en se disant que cela lui ferait du bien de ne pas se retrouver seule. Déjà qu'elle broyait du noir... Autant de pas en rajouter.

Un coup de sonnette la tira de ses pensées morose. Elle bondit sur ses pieds et tira légèrement sur son t-shirt qui avait une fâcheuse tendance à remonter. Lucrèce se dirigea au petit trot vers la porte et s'empressa de l'ouvrir. Elle se pendit immédiatement au cou de son frère et le serra contre son coeur, savourant l'odeur de son shampoing et celui, froid, de son tabac préféré. Il n'avait visiblement toujours pas arrêté de fumer... Mais au fond, elle s'en fichait. Elle ne pouvait pas l'imaginer autrement qu'une clope au bec. Elle recula légèrement pour l'admirer et sourit, satisfaite de ce qu'elle voyait. Tu es beau comme tout mon petit chou. Je parie que c'est Marlene qui a choisi ta veste, non ? Elle est carrément cool. Viens, entre. Elle s’effaça devant son frère afin de le laisser entrer dans l'appartement puis ferma a porte derrière eux. Bienvenue chez moi ! Installe-toi, il y a des bières au frais aussi. Sur ce, elle retourna se vautrer dans son canapé et se drapa dans son plaid préféré, celui avec des petites licornes brodées.

Assis tranquillement face aux vagues, Marc-Antoine peignait. Enfin disons qu'il essayait, il avait du mal à se concentrer. Peut-être parce qu'il avait passé toute la matinée à goûter des gâteaux pour son mariage à venir avec Marlene. Et franchement, ça l'avait gonflé de manger autant de gâteaux. Chocolat, vanille, forêt noir, weeding cake, framboise et autre. Il avait eu l'impression que son palais était mort suite à un excès de sucre. Franchement il s'en fichait bien de ce qu'ils allaient manger. Lui, il se serait très bien contenté d'un burger/frites/coca. En réalité, il aurait même adoré. Quel bonheur que le fast-food mais Marlene n'en voulait pas, sa mère n'en voulait, sa belle-mère non plus et tout le monde l'avait tellement jugé quand il avait émis l'idée qu'il avait fini par abandonner. De toute façon, dans cette histoire il ne serait que l'homme vêtu comme un pingouin se tenant au bout de l'allée et qui dirait oui. Le reste il laissait les femmes s'en charger. De la lâcheté ? Peut-être. C'est surtout que vous ne connaissez pas les futures mariées. Enfin, Marc-Antoine laissa tomber sa toile. Il se leva, ramassa ses affaires et rentra chez lui. De toute façon, il avait rendez-vous avec Lucrèce et oui, il était déjà en retard.

Il écrasa rapidement sa clope et sonna. Peu de temps après, Lucrèce montrait le bout de son nez. Enfin non, disons plutôt qu'elle lui sauta dessus. Lui, il la serra dans ses bras. Je suis aussi content de te voir. Sacrée Lulu. Elle était la femme de sa vie mais ne le dîtes pas à Marlene. Il ne voulait pas avoir d'ennui. Tu es beau comme tout mon petit chou. Je parie que c'est Marlene qui a choisi ta veste, non ? Elle est carrément cool. Genre, il ne savait pas s'habiller. Tu sais j'avais déjà du style avant de la rencontrer. Bon d'accord, elle l'avait fortement influencé sur son choix. Bienvenue chez moi ! Installe-toi, il y a des bières au frais aussi. Voilà la bonne nouvelle. Il la suivit du regard se calant sur son canapé. On dirait une mamie ou une gamine de cinq, je sais pas trop. Je te sors une bière ? Il se dirigea vers le frigo. Pas de coloc en vue ?

La remarque de son frère fit rire Lucrèce. Avait-il du style avant de rencontrer sa fiancée ? Elle lui lança un petit regard pétillant depuis son canapé. On va dire que tu avais ton style très défini. Mais je dois admettre que tu ressembles de plus en plus à un homme digne de ce nom depuis qu'elle te choisit tes fringues. Heureusement qu'il n'avait pas été à côté d'elle, sinon elle se serait sans doute mangé un coussin. Bien entendu, elle avait toujours trouvé son frère magnifique. Il était son jumeau, il était sa moitié. Personne sinon elle n'avait le droit de se foutre de sa dégaine ou de se moquer de lui, chose qu'elle-même n'avait jamais fait. Comme tous les gamins, ils s'étaient parfois taquinés et emmerdés. Mais cela n'avait jamais été trop loin, probablement parce qu'ils étaient incapables de rester en froid ou de rester trop éloignés l'un de l'autre. Marc-Antoine se dirigea vers le frigo et elle le suivit des yeux, étouffant un gloussement à sa remarque. En guise de réponse, elle s’emmitoufla un peu plus dans son plaid. Une bière, ouaip. Je préfère être une gamine de cinq ans si ça ne t'embête pas, je te laisse faire le papy.

Lucrèce attendit qu'il la rejoigne, se tassa un peu sur le canapé pour lui faire une place et chipa le briquet du jeune homme pour ouvrir sa bière. Elle en avala une gorgée, soupira de contentement, puis lui tendit le briquet. Finalement, ça a du bon la clope. Heureusement que tu n'as pas arrêté, on n'a pas de décapsuleur ici... Elle sourit légèrement. Kiara n'est pas là aujourd'hui ; je ne sais même pas où elle est. Elle me racontera ça plus tard avec des tonnes de détails croustillants. Et toi, alors ? Marlene te laisse donc sortir ainsi, sans te coller de puce GPS pour pouvoir te localiser en cas d'urgence ? Elle se moquait gentiment de lui. Elle aimait bien la fiancée de son jumeau, au demeurant ; elle le rendait heureux et c'était tout ce qui lui importait. Même si elle avait été jalouse au début -après tout, c'était son homme à elle qu'elle devait partager avec une autre-, elle vivait à présent très bien leur relation. Un peu moins cette affaire de fiançailles pour des raisons très personnelles, mais cela, c'était une autre histoire.